LE GROUPE TRUDELL-WITCHER TROUVE PLUS D’INDIENS QUE D’OR DANS LES BLACK HILLS.
LOUIS TRUDELL raconte l’histoire d’une aventure de jeunesse.
Un article de Gertrude Henderson, traduit par Lionel Borduas
Avec la permission du “The Sioux City Sunday Journal“, September 12, 1920
LOUIS TRUDELL RACONTE L’HISTOIRE D’UNE AVENTURE DE JEUNESSE
Par Gertrude Henderson.
Le dégel du printemps de la rivière Missouri se produit toujours sans crier gare. Même ceux qui traversent la rivière quotidiennement remarquent à peine l’état de la glace et pour la majorité des habitants de Sioux City, venir leur dire que la glace est partie, ne susciterait que très peu d’intérêt, à part d’être surpris et de dire»: Il y a rien là…”
Mais il y a une cinquantaine d’année, la glace était un sujet d’intérêt aussi bien pour les jeunes que pour les vieux. Tôt au printemps, les “vieux” tentaient de prévoir quand la glace partirait en début d’avril. Durant cette période, la débâcle sur la rivière était un événement longtemps attendu, quand le petit village entouré de glaces émergeait du sommeil de l’hiver et préparait à la hâte les bateaux pour le réveil printanier de la rivière.
Au printemps de 1876, la rivière était surveillée avec plus d’intérêt que d’habitude. Les groupes de jeunes se rassemblaient dans Sioux City et discutaient de leur départ pour les Black Hills le plus tard possible dans la saison pour éviter les rigueurs de l’hiver dans les plaines de l’Ouest et en même temps assez tôt pour pouvoir traverser la rivière Missouri sur la glace. L’hiver précédent avait été doux, mais au début de mars une neige épaisse et fondante avait bloqué les chemins de Sioux City. Puis, pendant quelques jours, un temps plus doux avait suivi et les gens prévoyaient une température plus élevée pour quelques jours encore, ce qui aurait pour effet “d’ouvrir la rivière”.
Ces nouvelles n’étaient pas bien acceptées par les fils de Joseph Trudell. Les quatre garçons, Joseph, Edward, Albert et Louis, étaient prêts à quitter pour les Black Hills et ils espéraient terminer la préparation de leurs équipements pour traverser la rivière à Covington avant la débâcle. Ils avaient trois bons chevaux, deux pour le chariot et un pour la promenade et ils apportaient des provisions pour subsister pendant plusieurs mois.
LA TRAVERSÉE DU MISSOURI EN TOUTE SÉCURITÉ
Ils étaient prêts à quitter le plus vite possible pour rejoindre un autre groupe à Covington qui devaient faire le voyage ensemble sous la conduite d’Eph Witcher. La rumeur courait qu’un équipage avait défoncé la glace à Ponca. Le jour suivant, à la suite d’un refroidissement, l’eau avait gelée à nouveau, et des équipes avaient réussi à traverser sans danger; mais deux jours plus tard, il avait fait doux à nouveau, de sorte qu’un autre équipage qui traversait à Covington avait perdu un chariot au travers de la glace. Les Trudell surveillaient la rivière continuellement, attendant l’occasion la plus favorable pour traverser. Le jeudi matin, 16 mars1876, autour de 4 heures du matin, ils réussirent de justesse, car à 10 heures une fissure apparut dans la glace face à l’entrepôt du Gouvernement, d’un bord à l’autre de la rivière de sorte que Joseph Trudell, le père des garçons, a pu traverser la rivière en chaloupe pour aller voir ses enfants. Le jour était frais et la noirceur arrivait vite. Au milieu de l’après-midi, une pluie mélangée de neige fondante a commencé à tomber. Durant la nuit, la température a tourné au froid et il a neigé toute la nuit, en grande quantité, obligeant les hommes à avancer avec difficultés et même parfois à déblayer un chemin dans la neige mouillé.
PREMIERE ÉTAPE DU VOYAGE
Une lettre d’Eph Witcher écrite à sa mère et qui a été publiée à cette époque dans THE JOURNAL, décrit les trois premières semaines du voyage: “Le 3 avril 1876, – Elkhorn River à huit milles à l’est de ville d’O’Neil. Nous allons très bien, l’esprit d’équipe est bon maintenant car les hommes avaient peur au début, le temps était très mauvais, il neigeait beaucoup chaque jour, nous obligeant de ce fait a tourner en rond dans les Prairies puisque nous ne pouvions pas voir la route à cause de la neige. Nous nous reposerons ici pendant deux ou trois jours encore, en attendant une cinquantaine d’hommes qui ne sont plus qu’à une journée de marche de nous et également un autre groupe de Sioux City qui doit nous rattraper sous peu. Nous aurons alors une compagnie de 90 hommes en pleine forme et capable d’aller n’importe où, même de traverser les territoires indiens de ce côté-ci du Royaume. Je vous écrirai plus tard et je vous dirai quand nous quitterons la civilisation, ainsi que la route que nous suivrons, en direction de la rivière Niobrara ou ailleurs. Nat et Frank (deux frères d’Eph) sont en train de faire cuire des “beans” et de la manière qu’ils procèdent il va falloir faire attention…..”
LA TRAVERSÉE DE LA NIOBRARA
Les chevaux aussi bien que les hommes ont eu besoin de repos à O’Neil City. Pendant ce temps, dans le camp, les garçons Trudell ont fabriqué un attelage à trois chevaux et ont ensuite attaché leurs bêtes au chariot. Les hommes eux-mêmes marchaient à pieds à tour de rôle pour soulager les chevaux. De la ville d’O’Neil City, ils avaient pris la route du nord-ouest vers la Niobrara, où il y avait un traversier. Pourtant, quand le groupe est arrivée sur les berges de la Niobrara, aucun bateau n’était en vue. Ils furent amener à croire que les propriétaires du bateau avaient été effrayés par les Indiens et avaient abandonné le bateau à son destin. Il a été retrouvé par les hommes à plusieurs milles de la traverse ; il avait dérivé et s’était arrêté sur une île. Après beaucoup de temps et de travail, le bateau a été récupéré et le groupe a pu traverser la rivière non sans peine puisque plusieurs des membres du groupe tombèrent dans la rivière. Tout le monde fut sauvé mais avec une grande perte de temps. Ceci toutefois décrit un peu la mauvaise chance que le groupe a rencontrée avant leur arrivée dans les Black Hills. Ils ont même aperçu, une ou deux fois, les bandes d’Indiens passant au loin, sans toutefois qu’ils tentent de s’approcher du groupe.
LE CAMP SURPEUPLÉ
Arrivés finalement à Custer City, les garçons Trudell ont été déçus de tout ce qu’ils entendaient autour d’eux. Selon Louis Trudell, 1628 avenue de Palmer, ils ont appris qu’il y avait déjà des centaines d’hommes avant eux et qu’ils avaient peu de chance de revendiquer un droit de prospection qui leur vaudrait quelque chose. De la ville de Custer City, Louis Trudell a écrit à la maison pour dire que les garçons se rendaient à Hill City et s’ils ne trouvaient pas des conditions favorables, ils allaient vendre tout ce qu’ils avaient pour revenir à Sioux City. Il dit également avoir rencontré le groupe de M. Pecaut qui projetaient de s’en retourner d’ici deux semaines, étant convaincu qu’il n’y avait rien à faire ici pour un petit prospecteur. Dans une lettre écrite à Sioux City et publiée dans THE JOURNAL, Louis Trudell, écrit ce qui suit: “Custer City, le 26 avril 1876. —Je suis arrivé ici après un voyage très dur, et j’ai peur de pas avoir grand chose. Il y a des milliers d’hommes ici et ils ne font rien, les gens s’en retournent aussi rapidement qu’ils sont venus. Hier, 140 hommes sont partis. Les Indiens deviennent plus mauvais chaque jour. Ils ont tué un homme seulement il y a une heure et même pas à un quart de mille de la ville. Les anciens disent qu’ils seront encore mille fois plus méchants quand l’herbe sera longue.”
PLUS D’INDIENS QUE D’OR
Joseph Trudell, frère de Louis, écrivit dans THE JOURNAL: ” Il n’y a pas beaucoup d’or à Custer City. En tout cas, pas assez pour permettre à un homme de risquer sa vie. Il y a plus d’indiens que d’or dans ce coin. On dit que le porteur de courrier Cheyenne a été tué. Il devait arriver il y a deux jours. Le vieux Sitting Bull a envoyé un mot à Washington pour demander que les mineurs sortent des Black Hills ou bien il creuserait lui-même leurs tombes. Nous avons rencontré M. Pecaut. Lui et plusieurs autres partiront d’ici deux semaines.”
Le 1er mai, Eph et Frank Witcher de même que les Trudell sont partis de Custer City pour le chemin du retour. A la sortie de Buffalo Gap, ils ont aperçu le corps d’un homme sur le bord du chemin. Il avait été tué par les Indiens, ses vêtements enlevés, une flèche au travers du corps, et il avait été scalpé. Les hommes se sont arrêtés pour inhumer le corps, même s’ils risquaient leur vie. Ils l’ont enterré sur le bord du chemin, ils ont transporté des pierres et les ont empilés pour bien indiquer où était la tombe. Plus tard l’homme a été identifié comme étant Jack Wood, de LeMars.
LES TRUDELL PRENNENT UN RACCOURCI
Peu après avoir quitté Buffalo Gap, les Trudell ont décidé de retourner seuls à la maison par le chemin qu’ils croyaient être le plus court. M. Trudell a déclaré qu’à ce moment-là ils étaient complètement épuisés de la vie de camp, du lard et des crêpes. Parmi les choses les plus désagréables pour les mineurs qu’ils avaient à supporter, et non la moindre, c’était d’endurer leurs pieds endoloris par de hautes bottes qu’ils portaient constamment sans changer de bas… Sur le chemin du retour M.Trudell déclare que chaque pas était un châtiment. Quand les Trudell ont annoncé leur intention de laisser le groupe et de retourner à la maison par le chemin le plus court, ils ont rencontré de l’opposition. On leur a rappelé le destin de Jack Wood et des autres qui s’en étaient allé seuls dans les Prairies. Les Indiens étaient constamment sur la sellette pour voler les équipements, attaquant et assassinant tous ceux qu’ils pouvaient.
Mais les garçons Trudell n’ont pas voulu attendre une journée de plus. Ils voulaient retourner à Sioux City et le faire le plus vite possible. Ils ont abandonné le groupe et se sont dirigés directement à l’est vers la rivière Missouri. Ils ont traversé la rivière à White Swan. Ici Louis a échangé son pistolet à un Indien pour une paire de mocassins et a considéré faire une bonne affaire, compte tenu du confort et de la douceur de ses mocassins sur ses pieds boursouflés et meurtris.
TROUVER UN BATEAU À YANKTON
Quand les garçons sont arrivés à Yankton, ce qu’ils voulaient avoir c’était un bateau pour Sioux City. Vous rappelez-vous la nourriture qu’on avait l’habitude de servir sur ces bateaux? Chaque bateau disait avoir la meilleure nourriture sur le fleuve, et le capitaine choisissait son cuisinier aussi soigneusement que son pilote. Les garçons Trudell, vous vous rappelez, avaient mangé pendant des semaines du lard et des crêpes, la nourriture de campement. Ils ont donc laissé leur équipement, les chariots, les chevaux, et tous ce qu’ils avaient, au soin d’un ami à Yankton, et ils sont montés à bord du bateau, arrivant à la maison sans trop de risques vers le 20 mai.
M. Trudell déclare qu’il analyse très sérieusement l’expérience, et davantage maintenant que les années s’écoulent; il aurait fallu être plus que chanceux pour trouver assez d’or la-bas pour l’inciter, lui et ses frères, à répéter leur aventure dans les Black Hills.
Traduit de l’américain par : Lionel Borduas
The Sioux City Sunday Journal September 12, 1920